¿Qué sentido tiene?
Résumé :
En 2009, l’auteur Pablo Vierci écrit un livre sur l’événement du "Vol Fuerza Aérea Uruguaya 571". Juan Antonio Bayona, qui travaille sur son prochain film, "The Impossible" (sortie en 2012), découvre le livre de Vierci durant ses recherches et, à la fin du tournage, achète les droits d’adaptation. Bayona a du mal à lancer son projet, qui manque de financement pendant dix ans. Il déclare : "Le principal problème était qu’il s’agissait d’un film en espagnol à gros budget, qui n’est pas le gros budget d’un film américain. Cela a donc été difficile parce que le marché n’accepte pas ce genre de produit." Le salut viendra de Netflix, toujours à l’affût pour agrémenter son catalogue. Pour son casting, le réalisateur s’entoure d’acteurs uruguayens et argentins, dont la plupart sont des nouveaux venus. Pour le bien du projet, Bayona et son équipe ont enregistré plus de cent heures d’entretiens avec tous les survivants encore en vie. Même les acteurs ont été en contact avec ces survivants et leurs familles.
Pour le tournage, les équipes du film se rendent en Espagne (Sierra Nevada), en Uruguay (Montevideo), au Chili et en Argentine. Ils vont même sur le site du crash, dans la cordillère des Andes. Les prises de vue démarrent le 10 janvier 2022 et durent au total 138 jours. L’une des difficultés rencontrées est la rareté de la neige dans la Sierra Nevada, mais aussi une couche d’air saharienne qui recouvre les montagnes d’une poussière orange. Pour le bien de quelques scènes, trois répliques d’épaves de fuselage sont créées et utilisées. Pour le maquillage d’effets spéciaux, deux lauréats des Oscars dans cette catégorie (pour "Le Labyrinthe de Pan") sont engagés, David Martí et Montse Ribé. Ils créent des prothèses de corps et de blessures. Pour la musique, Juan Antonio Bayona fait appel à Michael Giacchino avec qui il a déjà collaboré sur "Jurassic World: Fallen Kingdom". Le réalisateur estime que la musique du compositeur "apporte une voix et une énergie particulières qui transforment l’odyssée des Andes en une histoire encore plus pertinente, encourageante et universelle." Pour Giacchino, il s’agit de son film le plus émouvant, après "Là-haut".
"Le Cercle des neiges" est présenté en avant-première durant la cérémonie de clôture de la 80e Mostra de Venise. Il a droit à une sortie en salle, en Espagne et aux États-Unis (histoire d’être éligible aux différentes cérémonies de prix). Il sortira mondialement sur Netflix le 4 janvier 2024. Le film est bien reçu par la presse et le public, notamment pour le scénario, le casting et la thématique de la foi. D’autres personnes l’ont moins bien accueilli, comme le professeur Jorge Majfud, qui estime qu’il s’agit d’un film phénomène qui exploite une tragédie. Sur Rotten Tomatoes, il obtient la certification "Fresh" avec 90 % pour 156 critiques et 88 % pour plus de 1000 spectateurs. Sur Metacritic, il obtient une note de 72 sur 100 pour 33 critiques. Le film aurait coûté 60 millions d’euros (hors marketing). Pas de box-office, mais d’après Netflix, le film atteint la liste des 10 meilleurs films non-anglophones. Au cours des 11 premiers jours, le film a été visionné 51 millions de fois sur la plateforme. Lors de la 96e cérémonie des Oscars, il est nommé pour le meilleur long métrage international, représentant l’Espagne, et le meilleur maquillage et coiffure. Le réalisateur, Juan Antonio Bayona, a montré une première version du film à l’un des survivants, José Luis "Coche" Inciarte, avant qu’il ne meure en juillet 2023. Les 14 autres survivants voient le film un ou deux mois avant la première.
Mon avis :
À l’image de "Dark Waters" et "The Social Network", je trouve ça passionnant de découvrir des histoires que je ne connaissais pas du tout ou vaguement. Le film d’aujourd’hui entre dans la première catégorie. Je ne connaissais absolument pas l’histoire derrière et après le conseil d’une proche, je me suis lancée. La première chose qui marque avec "Le Cercle des neiges", c’est son histoire atypique : 16 personnes qui ont survécu durant 2 mois dans la cordillère des Andes après le crash de leur avion composé de 45 personnes. Dans cette cinquième adaptation filmique, Juan Antonio Bayona et ses équipes ont créé une œuvre solide. Ici, nous voyons des personnes poussées dans leurs derniers retranchements, que ce soit physique, moral ou même religieux. C’est simple, quand on se dit que ça ne peut pas être pire, l’histoire nous met une grande claque derrière la tête et plus d’une fois. En tout cas, le film ne m’a pas donné envie de prendre l’avion de sitôt… Le crash est bien mis en scène pour représenter l’horreur vécue, mais l’après l’est tout autant. Voir les dégâts humains qu’ils ont subis est horrible. Ça a dû être un lourd visionnage pour les survivants qui l’ont vu. Rien que la première nuit est déjà horrible avec une transition dans le montage assez morbide. Dans l’histoire racontée, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que c’était triste d’avoir autant de clopes et si peu de bouffe. Le film m’a appris certaines choses, comme l’urine noire ou encore le fait que les autorités arrêtent leurs recherches au bout d’un certain temps. Au début, j’étais révolté et après réflexion, cela fait sens, le risque aurait été trop gros et les recherches à cette période n’auraient fait qu’allonger la liste des victimes. Pour information, dans la suite de cet avis, je vais parler de "personnages" et non pas de "personnes". Même si nous sommes dans un film tiré de faits réels, nous n’en restons pas moins dans un film qui raconte une histoire à travers la vision de plusieurs personnes.
J’ai découvert après coup, durant mes recherches sur le film, que nous étions face au même réalisateur que "Jurassic World: Fallen Kingdom", Juan Antonio Bayona, et l’une des rares qualités de ce "Jurassic World", c’est sa réalisation. Est-ce que sa réalisation est à nouveau à mettre en avant ici ? Oui, c’est clairement l’un des points forts du long-métrage. Parlons dans un premier temps du point d’entrée de cette histoire, l’avion. Avant même l’incident, je trouve les scènes de l’avion réussies, que ce soit de l’extérieur ou de l’intérieur. En extérieur, les effets numériques sont assez réussis pour que l’on y croie facilement. En intérieur, la caméra est si resserrée sur les personnages qu’on s’imagine sans mal avec eux dans ce bout de métal exigu (ce qui sera aussi le cas plus tard). S’ensuit la scène que tout le monde attendait, celle du crash. Cette dernière est très réussie, elle est à la fois impressionnante et effrayante, pour peu que l’on se mette à la place des personnages. À aucun moment la séquence ne sonne faux, on est plongé dans la catastrophe. Bayona nous offre un joli plan durant cette séquence avec la lumière du soleil, une éclaircie qui ne sera qu’un faux espoir. Avec cet enchaînement de plans, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Dieu est quand même cruel (certains personnages prient à ce moment…). En tout cas, l’horreur que vivent les personnages est crescendo durant l’accident, c’est effroyable. Le film fourmille de jolis décors extérieurs, les images aériennes des montagnes sont sublimes, mais également inquiétantes au regard de l’histoire. Il y a un sacré contraste entre la beauté de l’environnement et le fait que ce soit également un futur cimetière. Le directeur de la photo, Pedro Luque, nous présente de belles images avec en premier plan des personnages et derrière le décor sublime. Là où l’œuvre est maligne, c’est dans sa représentation des distances. Avec les plans proposés, on ne se rend pas compte tout de suite de la distance qui sépare un point A d’un point B. Une fois que la caméra prend du recul, on voit l’horreur des distances. Ces dernières sont loin d’être un détail, elles ont leur importance dans l’histoire et le réalisateur l’a bien compris et joue parfaitement avec cette information.
Jean-Pierre Jeunet (et parfois Sam Raimi) est passé par là, donc difficile de parler d’originalité quand on évoque la courte focale pour accentuer la folie qui traverse les personnages. Ici, Bayona en fait bon usage, n’en abuse pas et c’est très bien. Un petit mot pour le maquillage que je trouve particulièrement réussi, que ce soit pour les visages tuméfiés, les engelures ou les visages petit à petit émaciés (même si de la perte de poids des acteurs a dû avoir lieu). En voyant le film, j’ai eu l’impression qu’ils se sont cassé la tête pour faire les scènes les plus réalistes possible. Le tournage n’a pas dû être très simple. Parlons maintenant des scènes qui ont fait le plus parler, comme si c’était l’élément majeur… Je parle bien sûr du cannibalisme. Les séquences sont évidemment horribles, mais le réal a le bon goût de ne pas en faire trop avec des plans racoleurs par exemple. Il ne filme pas ces scènes comme un "divertissement" et c’est à souligner. Même si j’ai bien aimé le casting et que les performances sont majoritairement bonnes, ce n’est pas pour autant marquant. J’ai bien aimé ce casting hispanophone. À l’image d’"Aftersun", moi qui suis habitué aux films américains, ça fait plaisir de découvrir une œuvre dans une autre langue que l’anglais. Quelques acteurs sortent du lot grâce notamment à des dialogues comme avec Esteban Bigliardi touchant en Javier Methol. Ce dernier brille lors de son échange avec Numa. En parlant de Numa, je dois parler de son interprète, Enzo Vogrincic, qui est pour moi celui qui ressort le plus dans ce film. Même si une bonne partie du métrage, il m’a perturbé avec sa ressemblance avec Adam Driver (j’espère ne pas être le seul). Je trouve qu’il a un grand charisme, il n’a besoin que d’un regard pour exprimer sa déception. Il n’a pas besoin de surjouer pour arriver à ses fins. Globalement, le film est parsemé de scènes émouvantes avec des acteurs convaincants, qui sont aidés par la musique bien sûr.
La bande originale est composée, à ma grande surprise, par Michael Giacchino. C’était une surprise, car je suis plus habitué à l’entendre dans les blockbusters, comme "The Batman", "Rogue One: A Star Wars Story" et "Vice-versa" (dernièrement traité sur ce site). Comme souvent, il fait le taf sans pour autant transcender. Il a tout de même ajouté des notes de piano douces et pleines de tristesse lors de l’embarquement de l’avion, comme un présage. Il a aussi des musiques qui lorgnent avec réussite sur l’horreur par moment. Toujours côté sonore, parlons de ces effets que je trouve réussis. Dans la scène de l’avion, c’est angoissant d’entendre ces bruits de vent, de fuselage et de carcasse métallique qui se plie. S’ensuit le crash avec des sons horribles. Plus tard, nous avons même un choix malin et sadique dans le mélange entre le son d’une jambe replacée et une vitre arrachée pour servir de transition. "Le Cercle des neiges" tire aussi sa force dans son écriture et certains détails m’ont plu, comme la manière intelligente d’afficher la liste des victimes qui, je trouve, est plus impactante, mais aussi le choix malin du narrateur. Je parlais plus haut du cannibalisme et de la manière dont le réal nous montre ça de manière non spectaculaire, je pense que le constat peut être fait également pour l’écriture. Nous devinons facilement le dilemme moral derrière et l’idée de consentement qui n’est pas anodine. D’autres questions intéressantes dans ce genre de situation sont amenées, comme le fait de se laisser mourir et pour peu que l’on ne connaisse pas l’histoire (comme moi), on perd peu à peu espoir, comme les protagonistes.
Voilà pour mon avis sur "Le Cercle des neiges" de Juan Antonio Bayona, un film qui, avec sa durée de 2h20, pourrait en effrayer plus d’un avec son histoire. Si ça peut vous rassurer, il est passionnant et loin d’être ennuyeux. C’est un peu horrible à dire, mais on suit leur mésaventure avec passion, c’est intéressant de voir comment ils ont réussi à s’organiser pour leur survie. Comme je le dis souvent, avec les films tirés de faits réels de ce genre, c’est un plaisir qu’ils existent. Ça permet à des personnes comme moi de découvrir les histoires incroyables que ces personnes ont vécues. Après tout ce qui s’est passé, la fin fait du bien. Elle est douce-amère et m’a fait verser ma larme évidemment.
(Rédigé le 24/06/2024)