Vermines

Je te ramène à la maison.

Résumé :

"Vermines" est le premier long-métrage réalisé par Sébastien Vaniček. Avant de se lancer dans ce projet ambitieux, ce dernier avait une quinzaine d'années d'expérience dans la réalisation de courts-métrages, tournés avec les moyens du bord. Après sa rencontre avec Etienne Ement, producteur, un court-métrage en découle, intitulé "Mayday". Ce dernier fera parler de lui après avoir été sélectionné dans de nombreux festivals et avoir remporté des prix. Il enchaîne ensuite avec un second court, "Crocs", qui arbore déjà une esthétique proche de celle du film d'aujourd'hui. La production de "Crocs" sera plus importante, et cette expérience le poussera à quitter son travail à Disneyland Paris pour se consacrer pleinement au cinéma. Il présente le pitch de "Vermines" à un producteur, Harry Tordjman, qui lui avait remis un prix en 2013, et ce dernier est séduit à la fois par le pitch et par la puissance du propos. Netflix participe également à l'aventure et, étonnamment venant d’eux, le film doit bénéficier d'une sortie en salle.

L’une des idées derrière le projet vient du fait que Vaniček voulait aborder un propos plus personnel. Comme il l’a dit, il a vécu le "syndrome du banlieusard" qu’il souhaitait retranscrire, tout en élargissant son idée autour du délit de faciès, et en apportant un parallèle avec les araignées. En effet, comme le rappelle le réalisateur, ces dernières existent chez nous et se baladent, mais dans notre envie de ne pas les voir, nous les écrasons. Une symbolique se met alors en place avec la xénophobie et l’intolérance. À l'écriture du scénario, le réalisateur était accompagné de Florent Bernard et tous deux ont très vite obtenu ce qu’ils voulaient : leur personnage principal, leur problématique et leurs trois actes. Ils souhaitaient s'écarter de l’image des banlieues dans les films français qui tournent souvent autour du drame et des trafics de drogue, etc., ou des comédies potaches et caricaturales. Ce ne sont pas les seules choses qu’ils ont voulu éviter ; le film évoque les violences policières, mais ils ne voulaient pas d’un film anti-flic, qui, pour Vaniček, ne fait que mettre de l’huile sur le feu et attiser les violences.

Pour la distribution, l'objectif principal était d'avoir un bon ressenti entre l'équipe d'acteurs et d'actrices et que leurs personnalités se complètent. C'est ainsi que Théo Christine, Sofia Lesaffre, Jérôme Niel, Lisa Nyarko et Finnegan Oldfield ont rejoint le casting. Le travail sur le son en général était important et l'un des buts était de faire vibrer tous les sens du spectateur. En ce qui concerne la musique, Douglas Cavanna et Xavier Caux ont été engagés, et dans le cahier des charges imposé, une condition implique la non-utilisation de percussions. Les araignées, étant une menace discrète, légère et parfois invisible, tout en étant très nombreuses, ont conduit à un choix. Ce choix consiste à utiliser des violons qui se désaccordent, tout en ajoutant des sonorités graves qui renvoient au côté urbain du décor.

L'idée derrière la conception des araignées du film prend son origine avec une espèce qui existe déjà, l'heteropoda maxima. L'un des enjeux du projet était de s'écarter des classiques mygales et autres tarentules que l'on a déjà vues de nombreuses fois. L'objectif était de se rapprocher d'une araignée que l'on pourrait avoir sur nos murs. La société MacGuff travaillera sur le projet afin de proposer des araignées numériques qui pourraient être agrandies à volonté pour les besoins du film. Une autre société, Atelier 69, s'occupera de très nombreuses araignées en dur qui seront d'une grande aide durant le tournage. Un tournage qui accueillera également de véritables petites bêtes avec l'aide de la Ferme Tropicale qui les connaît parfaitement. Grâce à eux, ils ont pu travailler en toute sécurité avec elles et ont même libéré plusieurs personnes de leur arachnophobie, comme Sofia Lesaffre. Le tournage aura lieu à Noisy-le-Grand, là où habitait le réalisateur plus jeune. Le film étant un huis clos, une journée de tournage aura lieu en extérieur et le reste en studio. Les scènes d'escaliers, quant à elles, seront tournées à Aubervilliers. Le tournage durera un mois et demi et se déroulera principalement dans le noir et en "confinement", huis clos oblige.

Le film sortira le 27 décembre 2023 en France et sera présenté en avant-première à la Mostra de Venise en clôture de la semaine de la critique. Là-bas, il sera chaleureusement accueilli, tout comme lors de sa sortie chez nous. Sur Rotten Tomatoes, le film obtient une note de 90 % pour 10 critiques et 80 % pour un peu plus de 50 spectateurs. Pour un budget estimé à 5 millions d'euros, le film cumule à l'heure actuelle un peu plus de 200 mille entrées dans l'hexagone. Un joli succès (qui n'est peut-être pas encore terminé) pour un film de ce genre en France.

Mon avis :

Pour de nombreuses raisons, "Vermines" était l'un des films de 2023 que je voulais absolument voir au cinéma, même si je ne suis pas le premier à aller voir les films d'horreur en salle. Ça a commencé à l'annonce durant l'un des épisodes du FloodCast, quand l'un des deux animateurs (Florent Bernard) s'est présenté à l'écriture, et c'est un auteur que j'apprécie grandement, tout comme son podcast. Ensuite, à l'annonce du casting, j'ai vu Jérôme Niel, un comédien et humoriste que j'apprécie énormément. Enfin, pour conclure sur mon envie de voir ce film, il était annoncé comme un film d'horreur avec des araignées. Alors que l'on critique souvent le cinéma français pour les films qu'il produit, ici, ils ont créé un film de genre qui renoue avec les films de monstres. On ne peut que saluer la démarche et acheter sa place pour encourager cela. Mais finalement, avec autant d'attente, ai-je été déçu ? Pas le moins du monde, j'ai grandement apprécié ce premier film de Sébastien Vaniček. Pour une première réalisation de long-métrage et avec une proposition aussi forte et marquée, c'est une franche réussite. Chapeau bas !

Avec "Vermines", nous sommes face à un véritable film de monstres, pas un film qui se revendique de ce genre avant de s'en détourner. Non, ici, on assume son postulat de départ et on y va. Ce n’est pas simplement un bon film de monstres, c’est aussi un excellent film du genre. Ça pourrait très vite tourner au nanar, mais ce n’est absolument pas le cas ; c’est fait avec passion, maîtrise et talent. Ces trois mots ne désignent pas uniquement la réalisation, mais également toutes les personnes qui gravitent autour du projet, que ce soit le casting, les membres de l'équipe technique, les auteurs, les personnes derrière le son, etc.

Je ne suis pas du genre à faire facilement des bonds dans les films en général, mais pourtant, ici, ça m’est arrivé souvent. C’était plutôt efficace sur moi. Pareillement, je ne suis pas fan des araignées, sans être arachnophobe. Néanmoins, les voir ramper un peu partout me faisait froid dans le dos et m’hérissait les poils. Tout cela, alors que l'un des rares reproches que je pourrais faire au film concerne le son utilisé pour ces araignées. Déjà, comme l'a souligné ma binôme de salle, c’est dommage qu'il n'y ait pas de variante (même subtile) dans ces sons. On a l'étrange sensation qu'elles ont toutes la même source dans la boîte à sons. On peut ajouter à cela l'étrange sensation qu'elles font le même bruit que le Predator. Sur ce dernier point, ça vient peut-être de moi ; je me suis peut-être fait une idée, mais si c'est le cas, c'est dommage qu'elles n'aient pas leur propre identité à ce niveau. C’est le seul reproche côté sonore sur ce film, car le reste est d’une propreté folle.

Les compositions musicales de Douglas Cavanna et Xavier Caux sont oppressantes à souhait et épousent parfaitement l'ambiance du long-métrage. J’ai trouvé qu'il y avait une forte inspiration des compositions de Michael Abels avec Get Out, Us et Nope, ce qui ne m’a pas déplu. On peut aussi mentionner les musiques de rap français parfaitement choisies pour rythmer le film, telles que ".RAW" de Laylow, "God Bless" d’Hamza et Damso, "T.E.N" d’Osirus Jack et "Propagande" de Mohand Baha, pour n'en citer que quelques-unes. Que des bangers que j’ai personnellement découverts et qui ont vite fini dans ma playlist.

J'ai rapidement évoqué la présence de Jérôme Niel dans la distribution, ce qui a contribué à susciter mon envie de voir le film. Toujours avec ma binôme (avec laquelle je partage mon amour pour Niel), nous avions une certaine appréhension concernant son rôle dans le film. En effet, nous nous demandions s'il ne serait pas simplement le comique de service, présent uniquement pour faire des blagues. Nos craintes n'ont pas persisté très longtemps ; certes, son personnage cherche à détendre l'atmosphère par moments, mais il ne se limite pas à cela. Il offre une performance nuancée et est très crédible dans les scènes de peur et de tension. Il m'a scotché, et je suis très heureux de le voir évoluer dans ce registre, prouvant à tous qu'il n'est pas contraint de rester cantonné à la comédie. Il m'a agréablement surpris.

Le reste du casting m'était inconnu, c'était donc une découverte totale pour moi. Et quelle découverte ! C’est simple, ils sont tous parfaits dans leurs rôles, une réelle alchimie se ressent entre eux. J'ai adoré le personnage de Kaleb, que j'ai trouvé très attachant ; Théo Christine est excellent. Sofia Lesaffre, Lisa Nyarko et Finnegan Oldfield complètent avec brio ce casting principal parfait.

Parlons un peu de la réalisation de Sébastien Vaniček et plus globalement de l'esthétique du film que je trouve très réussie. J'aime énormément le choix de faire beaucoup (voire en majorité) de plans serrés qui reflètent bien l'idée d'un immeuble étroit. Ici, cela nous rappelle également que chaque pièce peut être un cul-de-sac vers une mort assurée ou qu'une pièce étriquée peut abriter des bestioles aux pieds des personnages, mais pas seulement. Ce choix de mise en scène joue un rôle non négligeable dans l'angoisse que l'on ressent. Vaniček et Alex Jamin semblent aussi s'amuser avec certains mouvements de caméra, notamment dans la chambre avec le lit ou encore dans le sous-sol. Par contre, je dois admettre être beaucoup moins friand des séquences en "shaky cam" trop chaotiques pour moi. Certes, le chaos est très certainement le but recherché et l'économie de moyens doit jouer aussi, mais j'admets que je ne suis pas un grand fan du procédé, et "Vermines" ne m'a pas réconcilié avec. Un autre aspect apporte sa pierre à l'édifice qu'est l'ambiance : les décors. Arnaud Bouniort et ses équipes participent grandement à rendre l'expérience réussie, et si on ajoute à cela la lumière, on touche le gros lot. C'est simple, le film est joli, nous avons de très beaux plans avec des décors somptueux et une lumière qui les sublime. Hommage aux plans au milieu du film qui font un état des lieux. Je la trouve magnifique en termes d'ambiance, de son, d'éclairage et de décors.

Parlons, pour finir, de l'écriture de Vaniček et de Florent Bernard. Sans surprise, c'est encore une réussite. J'aime le fait que les personnages et les dialogues soient crédibles, loin des clichés ou des moqueries sur les personnes de banlieue. Dans cette écriture, c'est vraiment l'un des aspects qui m'a le plus plu. Le film se permet quelques touches d'humour parfaitement dosées pour que l'on s'attache aux personnages plus facilement. Ce n'est pas leur seule manière d'atteindre leur but, car le long-métrage regorge de séquences d'émotion particulièrement réussies. Avec le recul, je dirais qu'il y en avait peut-être une de trop, mais c'est du chipotage à ce stade. Beaucoup de discours et de messages sont passés au fil de l'histoire sans que ces derniers n'accaparent l'intrigue. Parmi les sujets abordés, nous avons les violences policières, la vie en banlieue, le délit de faciès, la xénophobie, etc. J'aime quand un film va plus loin que ce à quoi on s'attend, sans pour autant perdre son sujet principal de vue.

Voici mon avis sur "Vermines" de Sébastien Vaniček, un excellent film d'horreur français que je recommande vivement. On entend souvent dire que le cinéma français propose toujours la même chose : des comédies risibles à foison ou des drames ennuyeux. Merci à "Vermines" et aux autres grosses sorties récentes de prouver le contraire. Dans le cas du film d’aujourd’hui, nous avons un solide film de genre qui assume pleinement sa nature et réussit dans tout ce qu'il entreprend. C'est une réussite indéniable, et son succès en salle me donne de l’espoir pour l’avenir du cinéma français. Si vous souhaitez voir "Vermines" mais que vous vous dites "je vais attendre qu'il sorte sur une plateforme", s'il vous plaît, ne faites pas ça. C’est en achetant votre ticket de cinéma que vous encouragez les studios français à prendre plus de risques, ce qui, dans ce cas précis, s'avère payant. Si vous ne le faites pas, vous ne pourrez plus vous plaindre que le cinéma français reste bloqué dans sa zone de confort.

(Rédigé le 10/01/2024)

Notes :

  • Réalisation : 4/5
  • Casting : 4/5
  • Son : 5/5
  • Écriture : 4/5

Points positif et négatif :

Positif Négatif
L'ambiance oppressante avec de vrais moments de frisson Des "shaky cam" trop prononcées
Le casting parfait
La réalisation très soignée
Les discours et messages
Le travail sur le son

Note finale

Note finale du film : 4/5