Le Magicien d'Oz

There's no place like home.

Résumé :

En 1937, le succès de Disney avec Blanche-Neige et les Sept Nains a montré aux autres studios que les films adaptés d’histoires pour enfants et les contes de fées pouvaient être des succès. Cela a poussé la Metro-Goldwyn-Mayer à obtenir les droits du roman de Lyman Frank Baum, Le Magicien d'Oz, afin de l’adapter en film. Pour l’écriture du scénario, plusieurs personnes sont passées dessus, à commencer par William H. Cannon, l’assistant du producteur, Mervyn LeRoy. Une première ébauche est faite sans éléments magiques à la demande du producteur, à l’image d’une autre adaptation du roman par Larry Semon en 1925. D’autres scénaristes se succèdent ensuite, comme Herman J. Mankiewicz, Noel Langley, Ogden Nash, Florence Ryerson, Edgar Allan Woolf, Irving Brecher, Herbert Fields, Arthur Freed, Yip Harburg, Samuel Hoffenstein, Jack Mintz, Sid Silvers, Richard Thorpe, George Cukor et King Vidor. Après de nombreuses réécritures, cette partie du travail est terminée en octobre 1938 et seuls Langley, Ryerson et Woolf seront crédités. Considérant le public de 1939 trop sophistiqué, les premiers producteurs ont proposé l’idée d’une longue séquence de rêve plutôt qu’une simple fantaisie.

Pour le rôle principal, celui de Dorothy, au moins trois actrices étaient envisagées : Shirley Temple, une enfant actrice très en vue à l’époque ; Deanna Durbin, une nouvelle venue avec une voix d'opéra reconnue ; et Judy Garland, qui sera la plus expérimentée des trois. Ce sera cette dernière qui sera choisie, notamment en raison de problèmes contractuels. Dans un premier temps, Ray Bolger devait jouer l'Homme de fer-blanc et Buddy Ebsen l’Épouvantail. Cependant, Bolger voulait ardemment le rôle d’Ebsen. Il était tellement mécontent de ce rôle d’Homme de fer-blanc qu’il aurait déclaré : "Je ne suis pas un artiste en fer-blanc, je suis fluide". Il obtiendra gain de cause auprès du producteur LeRoy et Ebsen, de son côté, ne s'y opposera pas. Pour le rôle du magicien d’Oz, il sera proposé à Ed Wynn qui refusa, jugeant le rôle trop petit. De ce fait, le studio choisira W. C. Fields, mais son cachet étant trop coûteux, ils se tourneront finalement vers Frank Morgan. Pour les Munchkins, une vaste recherche aura lieu et une centaine de personnes seront choisies. Pour le rôle de la méchante sorcière de l'Ouest, Margaret Hamilton sera choisie après le retrait de Gale Sondergaard, déçue du changement d’attitude de la sorcière, passant de sournoise et glamour à l’image familière d’une vilaine sorcière.

Pas moins de cinq personnes se sont partagées la chaise de réalisateur, mais une seule sera créditée à ce poste : Victor Fleming, Richard Thorpe, George Cukor, King Vidor et Mervyn LeRoy. Ce sera le premier, l'heureux élu. Il était déjà engagé contractuellement pour réaliser "Autant en emporte le vent" et, de ce fait, il ne pouvait pas être à 100 % sur le plateau. Pour les besoins du film, une grande attention a été accordée à l'utilisation des couleurs, et les équipes de la MGM ont privilégié certaines teintes plutôt que d'autres. Il leur aura fallu une semaine pour choisir la bonne nuance de jaune pour la fameuse route de brique jaune.

Le tournage fut pour le moins chaotique, et tout a commencé avec la création du costume de l'Homme de fer-blanc. Dix jours après le début du tournage, Buddy Ebsen a souffert d'une réaction toxique après avoir inhalé à plusieurs reprises la poussière d'aluminium contenue dans le maquillage à base de poudre d'aluminium qu'il portait. Plus tard, sa fille, Kiki Ebsen, a déclaré que le studio avait faussement présenté la chose comme une "réaction allergique". Il a été hospitalisé dans un état critique et a été contraint de quitter le projet. Un remplaçant a été trouvé, Jack Haley, et il a pensé au début que son prédécesseur avait été renvoyé. Malgré les précautions (cette fois) prises, cela n'a pas empêché l'acteur d'avoir une infection oculaire à cause du maquillage.

La production de la majeure partie des séquences en Technicolor a été un processus long et épuisant qui a duré plus de six mois, d'octobre 1938 à mars 1939. La plupart des acteurs travaillaient six jours par semaine et devaient arriver dès 4 heures du matin pour être maquillés et habillés, ne partant souvent qu'à 19 heures ou plus tard. Le maquillage et les costumes encombrants étaient rendus encore plus inconfortables par l'éclairage à la lumière du jour exigé par le premier procédé Technicolor, qui pouvait chauffer le plateau à plus de 38 °C.

Lors d'une scène, Margaret Hamilton devait effectuer une sortie théâtrale. La première prise s'est bien déroulée, mais lors de la seconde, le feu a éclaté trop tôt. Les flammes ont mis le feu à sa peinture faciale verte à base de cuivre, provoquant des brûlures au troisième degré sur ses mains et son visage. Elle a passé trois mois en convalescence avant de reprendre le travail. Depuis la sortie du film, de nombreux témoignages ont été publiés concernant le traitement subi par Judy Garland, avant et pendant le tournage. Afin de la rendre plus jeune, le studio a décidé de ligoter sa poitrine et de lui donner des comprimés pour qu'elle ne prenne pas de poids, mais aussi des produits qui lui provoquaient des fous rires. Durant le tournage d'une scène, ces derniers ne plaisaient pas au réalisateur Victor Fleming. Il décida alors de gifler l'actrice. Comme si tout cela ne suffisait pas, elle subissait des commentaires obscènes de la part de membres de la distribution, qui pointaient également du doigt ses seins. Certains acteurs qui incarnaient des Munchkins étaient ivres et lui faisaient des avances tout en la pinçant, et enfin, elle s'est fait tripoter par le producteur Louis B. Mayer.

La musique du film sera composée par Harold Arlen et l'écriture des paroles sera confiée à Yip Harburg. À l'origine, la durée du film était presque de 2 heures. La moyenne de l'époque étant de 90 minutes, LeRoy et Fleming devaient couper au moins 15 minutes. La MGM estimait que la séquence avec la chanson "Over the Rainbow" devait être coupée, mais les deux personnes précédemment citées et Arthur Freed (un producteur non crédité) s'y opposeront. Vous verrez, qu'ils ont bien fait pour une raison qui sera explicitée plus bas. Le film sortira en août 1939 avec une durée de 101 minutes. Il sera salué pour son utilisation du Technicolor, sa narration, ses musiques et ses personnages. Il sera nommé pour six Oscars (dont celui du meilleur film) et en remportera deux : celui de la meilleure bande originale et celui de la meilleure chanson pour "Over the Rainbow". Malgré ce succès critique, à sa sortie initiale, le film ne rentrera pas dans ses frais, car pour un budget estimé de 2,7 millions de dollars (sans les coûts marketing), il en rapportera 2 millions aux États-Unis et 969 mille dans le reste du monde, pour un total de 3 millions. Au fil des années et des ressorties, le film deviendra rentable, atteignant aujourd'hui 25 millions de dollars dans le monde. Sur Rotten Tomatoes, le long-métrage a la certification Fresh, une note de 98 % pour 169 critiques et 89 % pour plus de 250 mille spectateurs. Sur Metacritic, même son de cloche avec une certification Must-See et une note de 92 sur 100 pour 30 critiques.

En 1989, il a été sélectionné par la Bibliothèque du Congrès comme l'un des 25 premiers films à être conservés dans le National Film Registry des États-Unis en raison de leur "importance culturelle, historique ou esthétique". Avec le temps, il a acquis le statut de film culte, inspirant par la suite de nombreux projets, tels qu'une suite officielle en 1972 (en animation), une comédie musicale, The Wiz, en 1974, et un an plus tard, un comics établi grâce à un partenariat rare entre DC Comics et Marvel. Un film a également été produit en 1985 par Disney. La fameuse comédie musicale Wicked, qui a remporté de nombreux prix, est sortie en 2003 et aura droit à son adaptation cinématographique en 2024. En 2011, la Warner a proposé un mélange entre Oz et Tom and Jerry, tandis qu'en 2013, Disney a présenté un "préquel spirituel" au film d’aujourd’hui avec Le Monde fantastique d'Oz de Sam Raimi. Enfin, nous avons récemment appris qu'une nouvelle adaptation du livre sera réalisée par New Line Cinema.

Mon avis :

Après cette longue introduction, c’est parti pour une nouvelle année, et on commence celle-ci avec un film culte, Le Magicien d’Oz ! C’est l’occasion pour moi d'avoir une séance de rattrapage avant la sortie de Wicked avec Ariana Grande ! Il peut parfois être dur de se plonger dans un vieux film, mais ici, ce n’est absolument pas le cas. Nous y plongeons de suite et très facilement, notamment grâce à son rythme que je trouve réussi. Il ne faut pas non plus oublier, ni mettre de côté, mon admiration pour les comédies musicales. Il m’a suffi d’entendre "Over the Rainbow" chanté par Judy Garland pour être conquis. Oui, vous avez bien lu, "Over the Rainbow". En effet, pour les personnes qui ne le sauraient pas, c’est bien la version originale que nous découvrons dans le film et elle sera reprise plusieurs fois au fil des années, notamment par le fameux IZ, mais aussi par Ariana Grande durant son concert caritatif "One Love Manchester". La musique et les chansons chantées sont le centre du film et évidemment, il n’a aucune fausse note à ce niveau. J’aime autant les compositions musicales d’Harold Arlen que les chansons interprétées par le casting. Ces dernières sont d’ailleurs très plaisantes à entendre, mais aussi très vite entêtantes. Il est assez difficile de se sortir de la tête "We're Off to See the Wizard". Ne l’écoutez pas avant d’aller vous coucher, sinon, à vous les difficultés de sommeil. Cet aspect du film est certainement le plus réussi, mais ce n’est pas le seul.

En effet, la distribution est elle aussi la clé du succès de ce projet. Que ce soit Judy Garland, Frank Morgan, Bert Lahr, Margaret Hamilton, Ray Bolger, Jack Haley, etc., ils ont tous été parfaitement choisis. Même Hamilton qui en fait des caisses en méchante sorcière de l'Ouest, étonnamment ça passe dans ce monde étrange. J’ai aussi beaucoup aimé le personnage de Dorothy pour sa gentillesse et son interprète, Garland, que je trouve parfaite pour le rôle, elle est très forte. Il en est de même pour le personnage du Lion qui est mon préféré des trois compagnons, malgré l’élaboration de son costume que je n’approuve absolument pas (vraie peau de lion). Sinon, Terry reste la meilleure du casting. Bien sûr, je plaisante (pas tant que ça), mais il faut reconnaître que la chienne est impeccable elle aussi, il ne faut pas la mettre de côté. Niveau chant, sans surprise, ils sont tous très bons et j’ai un coup de cœur pour Judy Garland, Bert Lahr et Ray Bolger dans ce registre.

Pour la représentation du monde d'Oz, le film fait le choix de nous montrer le Kansas dans des scènes en sépia, tandis que dans le monde d'Oz, nous passons à la couleur. La transition entre les deux est franchement bien réussie. Honnêtement, je trouve ça bluffant pour un film de 1939. D'ailleurs, c'est assez drôle que je trouve ça bluffant ; si c'est mon cas aujourd'hui, à l'époque, ils ont dû être sous le choc. Les couleurs sont justement très jolies, j'aime beaucoup le choix de celles-ci. D'ailleurs, pour en revenir à cette transition, je trouve que c'est à la fois une très jolie idée de mise en scène, mais aussi de narration. Le travail sur les décors est incroyable, ils sont magnifiques. Cedric Gibbons et ses équipes ont fait un super travail. Même la Cité d'Émeraude aurait pu être de mauvais goût, mais ce n'est pas le cas. Les costumes ne sont pas en reste et marquent même un peu plus que les décors déjà sublimes. Bon, les Munchkins restent flippants quand même, de quoi provoquer un trauma d'enfance. Après, si l'on est honnête, même les compagnons de Dorothy pourraient filer des cauchemars à des enfants. Les effets sont eux aussi très réussis. Certes, certaines incrustations sont visibles, mais il ne faut pas oublier que nous sommes en 1939 ! C'est bluffant pour l'époque. Bien sûr, toutes ces qualités ont un prix que la distribution va souvent subir, mais j'y reviendrai.

Si je devais émettre une critique à l'égard de l’œuvre elle-même, ce serait principalement envers son écriture. Je vais rester indulgent, car nous parlons d'un film de 1939, tiré d'un livre de 1900. Il est donc nécessaire de prendre un certain recul. En fait, mon problème majeur concerne le traitement de la méchante sorcière de l'Ouest. Je trouve dommage qu'elle ne représente qu'une non-menace, car cela diminue mon intérêt pour l'histoire. À aucun moment ne craignons-nous quelque chose venant d'elle, et ce n'est pas sa fin anti-climatique qui arrange les choses... Je trouve cette résolution trop simple et ridicule, tout en gâchant une partie du dénouement. En revanche, j'apprécie la fameuse révélation à la fin du film ! Pour le coup, cela pourrait être tout aussi anti-climatique, mais je trouve que ce n'est pas le cas, et c'est même plutôt astucieux.

Voilà mon avis sur Le Magicien d'Oz de Victor Fleming, un film que je pourrais facilement qualifier d’intemporel tant il est facile de le revoir. Pour cette redécouverte, j’ai pu en profiter en 4K et le rendu est très réussi. Il est d’une netteté sans égale, je vous le recommande. Malgré les qualités évidentes et le travail accompli, on ne peut pas occulter les conditions de production désastreuses qu’il y a eues. Comme la brûlure de Margaret Hamilton, le costume en vraie peau de lion, la peinture en aluminium directement sur le visage des acteurs, l’utilisation d’amiante pour simuler la neige, mais aussi, malheureusement, la gifle généreusement fournie par l'infâme Victor Fleming à Judy Garland pour calmer ses rires durant des scènes. Sans oublier que cette dernière découvrira les amphétamines, qui lui seront offertes par le studio pour lui redonner de l’énergie, etc. Bref, Hollywood dans toute sa (laideur) splendeur. Malgré tout cela, c’est un bonheur de redécouvrir de vieux films de ce genre, surtout quand ils sont aussi bons. C’est d’ailleurs officiellement le plus vieux film que j’ai traité sur le site (désolé La Tour infernale) ! Je vous parlerai sûrement un jour du Oz de Sam Raimi, que j’avais aimé sans plus lors de ma découverte à l’époque. Serais-je plus tendre avec lui aujourd’hui ? Maintenant, il n’y a plus qu’à patienter avant la sortie dans 10 mois de Wicked avec Ariana Grande !

(Rédigé le 03/01/2024)

Notes :

  • Réalisation : 4/5
  • Casting : 3/5
  • Son : 4/5
  • Écriture : 3/5

Points positif et négatif :

Positif Négatif
Une direction artistique sublime Les conditions de production…
Les chansons cultes et entêtantes Le traitement de la méchante sorcière de l'Ouest
La transition du sépia à la couleur
Les effets visuels très réussis
Un casting irréprochable

Note finale

Note finale du film : 4/5